Lettre ouverte du designer Patrick Jouin en soutien à l’APCI-France.
La politique s’immisce à un moment ou un autre dans notre quotidien. Le cours des derniers événements nous révèle que la politique gouvernementale française a une forte tendance à s’étaler sur des faux débats à propos de faux sujets. Pendant ce temps-là, l’Agence de la promotion de la création industrielle française, communément appelée APCI, rencontre une grave crise financière risquant sa fermeture définitive. Patrick Jouin, un des plus grands designers français, créateur entre autres du concept des Vélib’ à Paris, invite tous les designers à s’unir, à s’allier pour soutenir cette entité forte d’une expérience de plus de 30 ans.
Chères fidèles lectrices, chers fidèles lecteurs, je vous invite donc à lire cette lettre ouverte et à suivre le mouvement proposé par Patrick Jouin.
Chers amis designers, chers collègues,
Alors que nous avons tous bénéficié, à un moment de notre vie professionnelle, d’un échange positif avec elle, l’APCI va disparaître si nous ne faisons rien. Et l’APCI, ce n’est pas qu’un organisme, c’est aussi un symbole qui, sur les trente dernières années, est comme un synonyme du design dans notre pays.
Certains, comme moi, savent que la situation de l’APCI est difficile, mais le succès des opérations prestigieuses et renouvelées chaque année, comme l’Observeur du Design ou Design Mode d’emploi, nous le font oublier. Lors de la dernière remise des Etoiles de l’Observeur à la Cité des Sciences et de l’Industrie, où nous étions comme toujours heureux de nous retrouver aussi nombreux, le représentant de l’Etat reconnaissait même dans son discours l’importance de l’Observeur comme prix National du design.
Créée à l’initiative des Ministère de l’industrie et de la Culture en 1983, l’APCI a pris son indépendance en 1993 et n’est pas un organisme sous contrat avec l’Etat, même si son « A » signifie « Agence ». C’est une association qui négocie des subventions publiques tous les ans, projet par projet, ou répond à des appels d’offre : ces financements, qui ne couvrent jamais le total des opérations, sont en général versés avec beaucoup de retard et représentent environ un tiers du budget. Un deuxième tiers provient de ressources privées (cotisations, dons, inscriptions à l’Observeur du design et prestations diverses), un troisième tiers est constitué d’apports en nature (bénévolat, mise à disposition d’espaces, de compétences, de matériaux…).
A ce jour, l’APCI présente un déficit ponctuel généré en grande partie par le projet de « Centre National du Design », souhaité et annoncé par l’Etat en janvier 2012 et abandonné six mois plus tard à la suite du changement de gouvernement, et pour lequel des dépenses avaient été engagées dont l’Etat ne finançait que la moitié. L’APCI a réduit considérablement cette ardoise en diminuant ses dépenses, en recherchant de nouveaux membres et par l’appel à des contributions exceptionnelles. L’APCI se bouge pour continuer d’exister, pour notre profession, pour nous.
Mais c’est aussi pour se projeter dans une perspective à moyen et long terme que je vous invite à agir. A l’orée de nouvelles échéances électorales, nous devons tout faire pour installer définitivement le design dans l’esprit des dirigeants politiques. Pour cela, une des exigences des pouvoirs publics, que j’ai entendue personnellement, est que les organismes en charge de la promotion du design en France s’allient. Cette pratique collective, nous devons aussi en être les demandeurs et je sais que l’APCI a commencé à y contribuer en proposant des initiatives à partager, avec les principaux organismes français comme la Cité du design de St Etienne, le Lieu du design en Ile-de-France, le VIA ou d’autres acteurs.
Il s’agit donc de dépasser le sauvetage ponctuel de l’APCI, qui à l’échelle de notre pays et de la taille de notre profession ne devrait pas être si difficile à réaliser, et de participer à la construction d’une nouvelle étape du développement du design en France.
Témoigner aujourd’hui en ce sens en envisageant un versement à l’APCI, sous forme de cotisation, de don, de participation au Club des 180 (*) est la façon la plus simple et la plus directe de peser, de se faire entendre, d’exister ! Et donc, comme pour un Téléthon, c’est le total qui montrera la force de la profession. Aux yeux des représentants des pouvoirs publics que j’ai pu rencontrer, le fait que les professionnels sortent du bois et montrent leur volonté de contribuer sera décisif.
Pour résumer, le sens de l’aide matérielle que je vous invite à apporter est triple : pour rendre à l’APCI un peu de ce qu’elle nous a apporté toutes ces années, pour témoigner de la force d’une profession qui y croit, et pour peser sur la construction du futur de la promotion du design en France.
J’aimerais ajouter, à titre personnel, et je sais que d’innombrables collègues partagent cette pensée, que nous devons le faire aussi pour Anne-Marie Boutin. Pas parce qu’elle témoigne d’un investissement bénévole depuis toujours, pas pour compenser sa fatigue et sa fragilité, pas pour qu’elle arrête ce qui est déjà un sacerdoce et pourrait devenir un sacrifice. Mais parce qu’elle est celle qui nous permet de nous retrouver en tant que nous-mêmes, et parce qu’elle incarne et diffuse le design à la française à l’international. Parce que elle, c’est nous.
C’est la première fois que je m’exprime publiquement sur l’APCI et sur Anne-Marie : je ne le fais pas pour moi mais parce que j’ai compris que le sens de tout notre engagement professionnel était en jeu dans cette crise de l’APCI, qui est le symptôme d’une situation qui n’est plus digne de notre pays. Anne-Marie Boutin souhaite désormais diminuer son engagement, on la comprend. Mais elle veut léguer une situation assainie et dynamisée, à une équipe aussi combative qu’elle, pour que l’aventure se poursuive. Il y a tant à faire pour faire définitivement comprendre que le design est une discipline de progrès et une philosophie d’action, utile pour l’économie de notre pays et de nos entreprises, pour la culture de notre société tiraillée et pour l’identité de nos territoires !
Je compte sur vous, chers collègues, avant que le répit estival ne soit qu’un lointain souvenir pour témoigner très vite de votre compréhension de la situation, car la dynamique de soutien à l’APCI doit absolument se voir dès les prochaines semaines, étant donné l’urgence.
Une belle fin d’été et une bonne rentrée.
Patrick Jouin
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