Source Journal du Design :

Dans Ground, une nouvelle installation permanente au Muséum SAN en Corée du Sud, le sculpteur Antony Gormley et l’architecte Tadao Ando invitent les visiteurs à une descente, tant physique qu’émotionnelle, dans un espace où la présence est primordiale et où le temps semble s’étirer.

Il s’agit de la première collaboration entre les deux artistes, et leurs intentions sont aussi intimement liées que le site lui-même. Sous un jardin fleuri impeccablement entretenu, une modeste entrée en béton mène à un escalier en colimaçon. En contrebas, un vaste volume en forme de dôme vous attend : brut, élémentaire et étonnamment serein. Non pas une échappatoire à la nature, mais une chambre en harmonie avec elle.

L’architecture d’Ando, ​​habituellement rigoureuse et protectrice, prend ici une dimension poreuse. Un oculus circulaire au sommet du dôme laisse entrer la lumière du soleil, la pluie et l’écho occasionnel du chant des oiseaux. Une large ouverture en arche s’ouvre sur les crêtes des montagnes environnantes. La lumière joue avec le béton ; l’air circule librement. Rien dans l’espace n’est ornemental, et pourtant tout semble intentionnel.

Le point central de l’installation est constitué par les sept figures « Blockworks » de Gormley, aux tons rouille. Formées de blocs de fer empilés dans des postures humaines abstraites, elles apparaissent accroupies, allongées sur le dos, en tailleur ; chacune d’elles est une sorte de pause dans l’espace. Leurs surfaces sont oxydées, le métal réagissant lentement au vent et à l’humidité. Ici, la décomposition devient une forme de communication. Le temps, un collaborateur.



Mais c’est l’espace négatif qui parle. Ces sculptures n’occupent pas le dôme, mais l’activent. Le vide qui les sépare invite à l’introspection. Il n’y a pas de récit, seulement une invitation à la réflexion : sur sa propre posture, son souffle, sa place dans le vaste territoire de l’être.

L’exposition simultanée de Gormley dans le hall principal du musée, Drawing on Space, poursuit cette recherche avec une portée plus large. Les sculptures en acier de Liminal Field dessinent les limites du corps en des contours orbitaux.

Cette double présentation renforce l’engagement de toute une vie de Gormley pour la sculpture, au-delà de la forme. Ses matériaux – fer, acier – ne sont jamais neutres. Ils résistent au polissage, favorisant l’entropie, la transformation. Ils s’adressent au corps comme objet et origine. Le spectateur n’est jamais passif. Dans l’univers de Gormley, on fait toujours partie de l’œuvre.

Ando, ​​lui aussi, est à son apogée. La modestie du dôme se lit comme une sorte de haïku architectural : lignes courbes, lumière tamisée, béton brut. La sobriété permet la résonance. Ce n’est pas un monument à l’ego, mais à la conscience partagée – entre site et structure, corps et vide.





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