À la Cité des sciences et de l’industrie, « Jardiner » cultive un nouveau regard sur le vivant
« Il faut cultiver notre jardin » , professe Candide dans le célèbre conte de Voltaire. Dans la mesure où il est une forme de travail, le jardinage nous exerce au bonheur et « éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin » .
À l’heure où les enjeux écologiques bousculent nos modes de vie, la Cité des sciences et de l’industrie consacre sa grande exposition 2025-2026 à un geste ancestral et universel : jardiner.
Ouverte au public depuis le 14 octobre 2025, l’exposition Jardiner invite petits et grands à explorer les sciences – souvent insoupçonnées – qui se cachent derrière les graines, les sols, les fleurs et les gestes du quotidien. Entre installations artistiques, manipulations interactives et enquêtes scientifiques, l’expérience propose une immersion sensible dans une pratique aussi commune que mystérieuse.
Jardiner, un acte scientifique autant que culturel
Conçue en partenariat avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), l’exposition s’attache à révéler la richesse des sciences du jardinage, en convoquant à la fois la botanique, l’écologie, la pédologie, la neurologie ou encore la sociologie. Car jardiner, rappelle la Cité, ‘c’est à la fois cultiver la terre, nourrir des corps, panser des esprits et faire société’. L’institution inscrit cette exposition dans sa volonté de « développer une culture scientifique ouverte, critique et collaborative » et de replacer le vivant au centre des préoccupations collectives.
L’ambition se lit dans la scénographie engagée, construite avec des matériaux recyclés et issus de filières responsables. Les structures légères en bois, coton ou chanvre, parfois réemployées, composent un parcours continu, ponctué de six cabanes sensorielles de 16 à 20 m², chacune inspirée d’un jardin bien réel.
Un parcours en six jardins, six manières de raconter le vivant
L’exposition se structure autour de six grands types de jardins, autant de portes d’entrée dans les pratiques contemporaines du jardinage. Six installations sensorielles imaginées par des artistes et des designers. Afin de garder un peu de mystère, nous vous dévoilons une partie de ce qu’elles présentent, mais il vous faudra vous y rendre pour découvrir l’intégralité des œuvres.
1. Le jardin potager, laboratoire de résilience
Le potager, premier espace traversé, rappelle l’importance historique et sociale de ces lopins nourriciers, des jardins ouvriers du XIXe siècle aux initiatives des villes en crise comme Detroit ou La Havane. Une installation immersive de la designer olfactive, Carole Calvez, plonge le visiteur dans un potager à hauteur de fourmi, à travers des parfums de tomate, menthe, pak-choï et potimarron.
2. Le jardin de fleurs, théâtre des pollinisations
Le visiteur entre ensuite dans un univers où la séduction est une affaire de survie : 80 % des plantes à fleurs dépendent des pollinisateurs. Le sculpteur plasticien Junior Fritz Jacquet propose une installation onirique faite de sculptures en papier, tandis qu’un dispositif ludique invite à guider des pollinisateurs virtuels vers les fleurs adaptées.
3. Le jardin partagé, oasis urbaines et liens sociaux
Pensé à partir du jardin de l’association L’Autre Champ à Villetaneuse, cet espace évoque la force sociale des jardins collectifs. On y découvre la richesse invisible d’une simple poignée de terre – plus d’un million d’organismes vivants –, et l’impact des gestes de jardinage sur cet écosystème fragile.
4. Le jardin qui soigne, entre pharmacopée et neurosciences
Les plantes nous soignent, mais jardiner nous soigne aussi.
Inspirée d’un verger près de Toulouse de Boris Presseq, la parcelle sensorielle associe arbres, plantes médicinales et gestes traditionnels pour créer un écosystème tactile. Conçue comme un territoire à explorer, elle allie architecture, art et savoir-faire artisanal afin de proposer un parcours invitant au toucher et à la contemplation.
5. Le jardin spontané, quand laisser-faire devient un acte écologique
Ici, l’exposition défend la valeur des herbes folles et des gestes minimalistes. Dans un monologue humoristique, un robot-tondeuse en pleine crise existentielle questionne nos pratiques d’entretien. En miroir, le plasticien designer Alexis Tricoire imagine un jardin renversé sous un plafond de miroirs : une prairie suspendue qui invite à revoir nos représentations.
6. Le jardin qui s’adapte, face à la sécheresse et au climat
Dans un contexte de dérèglement climatique, l’installation sensorielle de Karine Bonneval, inspirée d’un jardin grec, fait ressentir physiquement chaleur, lumière et sécheresse grâce à des oyas chauffants diffusant sons et atmosphères du Sud.
Un jardin numérique collectif au cœur du parcours
Au centre de l’exposition, une fresque numérique participative – grande de cinq mètres – invite les visiteurs à semer virtuellement des graines à partir de « bombes » colorées portant les noms de familles de plantes imaginaires : les Généreuses, les Exubérantes, les Voyageuses… Le jardin numérique grandit au fil des visites, devenant le reflet vivant et évolutif des contributions du public.
Un programme riche autour de l’exposition
L’exposition s’accompagne d’une programmation dense :
– ateliers de teinture végétale, observation de plancton, bar à plantes médicinales, enquêtes scientifiques pour enfants ;
– conférences sur l’histoire des jardins, leurs enjeux sociaux ou les potagers urbains ;
– spectacles vivants proposés pendant les vacances scolaires,
– concours « Verts balcons, Jardiner autrement à Paris » au printemps 2026 ;
– et même une installation extérieure, Retour au sol, micro-forêt urbaine imaginée par le collectif « On se dit quoi ?! » qui ouvrira ses portes courant janvier 2026.
Incarner la transition écologique en cultivant le sensible
Avec « Jardiner », la Cité des sciences et de l’industrie propose moins une leçon de jardinage qu’un parcours sensible où se rencontrent art, sciences et écologie. En valorisant les « mal-aimés » du jardin – escargots, orties, ronces – et en donnant la parole aux jardiniers amateurs comme aux chercheurs, l’exposition invite à repenser notre lien au vivant et à réévaluer la place du jardin dans nos villes comme dans nos vies.
Dans un monde soumis aux crises climatiques et sociales, jardiner apparaît ici non comme un simple loisir, mais comme un geste profondément politique, scientifique et poétique.
Exposition Jardiner
Jusqu’au 12 juillet 2026
À la Cité des sciences et de l’industrie
30 avenue Corentin-Cariou
75019 Paris
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