Source Journal du Design :

Laurent Kronental, s’est associé au photographe Charly Broyez, pour nous offrir un nouveau regard sur la ville de La Grande Motte, éternelle mal-aimée du patrimoine architectural français.

La conception et la construction de la Grande Motte remontent aux Trente Glorieuses. La France connaît alors une période de croissance économique sans précédent, et les congés payés ont donné naissance au tourisme de masse. L’Etat, soucieux de retenir les vacanciers qui se tournent en majorité vers l’Espagne, planifie la création de stations balnéaires destinées à les retenir.

Créer une ville ex nihilo n’a, à l’époque, rien d’une utopie. Le triomphe de la modernité est porté par des architectes visionnaires. D’une terre aride, Niemeyer a fait Brasilia. Au pied de l’Himalaya, Le Corbusier a créé Chandigarh. Sur les marais de Camargue, Jean Balladur construira La Grande Motte.

Le projet, piloté par la DATAR, s’inscrit dans le cadre d’une mission dont le nom dit tout l’enjeu : « Racine ». Il ne s’agit pas seulement de fonder une ville sur du sable, mais de lui donner vie. Amarrer le vacancier dans ce paradis, le temps d’un été, avec pour toute ancre le rêve du bonheur.

Charly Broyez et Laurent Kronental ont retrouvé les traces d’un passé pas tout à fait aboli : les marais, avec leurs cabanons de pêche et leurs moustiques. Ils ont aussi retrouvé, sous l’apparence d’une ville avant gardiste, un espoir d’avenir contemporain.




À la fois station balnéaire et port, la Grande-Motte est aussi une ville-parc, une cité radieuse de bord de mer, que l’on surnommait parfois la « Nouvelle Floride des années 1970 ».

La végétation luxuriante, la naïveté des formes, la pureté des couleurs, l’harmonie dans laquelle baignent ces motifs semblent autant de tentatives de retour à une origine, quelque part entre la Méditerranée et l’Amérique précolombienne.

Perchée sur le signe de l’infini, une mouette semble observer de loin le nuage annonçant les grandes transhumances humaines. Alors que tout dort encore, arrivent des bruits confus, des cris joyeux, résonnant dans la bulle ouatée d’ensembles solitaires. La lumière joue sur ces reliefs, elle les anime d’une vie tranquille, loin de l’agitation des métropoles.

En recréant le cosmos, l’architecte démiurge s’était aussi fait le prophète d’une nouvelle religion. Ici, tous les chemins mènent à l’Homme, moderne ou primitif. Héritier du culte inca du Soleil, laissant sur la terrasse sa soucoupe volante, balançant entre Yin et Yang tandis que des fleurs somnolent à l’ombre d’un Moaï, priant dans une chapelle futuriste où des hublots remplacent les vitraux. Ce monde devient décor propice aux hallucinations.












Ainsi que des jouets abandonnés, les pyramides, les boules, les cercles vides ou pleins semblent attendre les enfants géants qui les réveilleront. Les murs eux-mêmes ont des bouches, des yeux, des oreilles.

L’architecture, où l’eau et le béton s’unissent dans une seule et même coulée, suggère la plénitude de l’être et du monde. Pour donner un passé à une ville qui n’en avait pas, Jean Balladur avait planté dans cette terre vierge les racines d’une ville nouvelle. Il nous offre à présent une songerie sur la permanence du rêve et l’utopie des grandeurs humaines.

Cette série invite, derrière la recherche esthétique, à penser la Grande Motte comme un espace de vie et de cristallisation des sensations. Symbole d’une âme rêveuse, elle fait du vacancier, de l’habitant ou du spectateur un heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage.












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